mardi 18 mars 2014

RÉINVENTER L'EXIGENCE EN CLASSE


 26.02.2014 - 15:00

Une pédagogie de l’exigence , récit d’une expérience.
Un enseignant et quatre de ses élèves au micro de Rue des écoles aujourd’hui :
 Jérémie Fontanieu, (25 ans), jeune professeur agrégé de SES au Lycée Eugène Delacroix de Drancy (93),  est en direct dans notre studio, en présence et avec la participation de 4 de ses élèves de terminale ES et 1ère ES : Nesrine, Anaïs, Farah et Samuelda.. qui expliquent la mise en place de ce fameux "triangle" entre les professeurs, les parents et les élèves, pour une meilleure "mise au travail" de ce "Groupe classe" (= Team TES) où tous les élèves sont solidaires pour mieux réussir ensemble.
Leur objectif : Réussir à 100 % au baccalauréat à la fin de l'année !
Monique Royer, Rédactrice aux Cahiers pédagogiques a consacré un article à Jérémie Fontanieu et à sa classe, sur cette Pédagogie de l'exigence : elle intervient en direct au téléphone depuis Carcassonne.
Illustration musicale : Banlieusard  de Kery James ..."...Banlieusard et fier de l'être, on n'est pas condamné à l'échec.."
et en 2ème partie : Tu brilles de Disiz.

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Un article de Louise Tourret sur SLATE.FR >>>

Bosser, bosser, bosser... Voilà sa méthode (punitions, renvoi de cours au moindre de problème de discipline) pour que ses élèves s'accrochent. Et il n'est pas le seul à proposer ça. Alors, «old school» is «new school»?

Vous voulez connaître la recette imparable pour être un bon élève? Le travail. Oui, je sais, vous n’avez pas attendu que je vous le dise pour le savoir, mais à lire la dernière livraison issue de Pisa, qui se fonde sur des milliers d’enquêtes dans de nombreux pays, on se dit que la question du travail personnel et de l’effort est une excellente question pédagogique. Selon Andrea Schleicher, responsable de l’éducation à l’OCDE, qui signe le compte-rendu de cette étude, «les étudiants qui misent davantage sur le travail que sur le fait d’être doués pour les études obtiennent de bien meilleurs scores aux tests de mathématiques de Pisa».
Dont acte. Au-delà de la banalité du constat, ceci se veut un message d’espoir. Si vous travaillez, si vous travaillez vraiment, vous obtenez des résultats et c’est donc à votre portée. Quelle que soit votre catégorie sociale d’origine, bosser vous permettra de vous en sortir. Et c'est donc une manière de défier les logiques sociales et les destins écrits à l’avance.
«La paresse est cœur de la reproduction sociale, lance même Jérémie Fontanieu, un tout jeune enseignant de Science économique et sociale de 25 ans. Faute d’efforts, on assiste à l’autodestruction de leur vie par des gamins de quinze ans.»
Jérémie Fontanieu, vous allez en entendre beaucoup parler dans les médias dans les prochaines semaines. Pourquoi? Parce que sa méthode devrait plaire à beaucoup de monde. Fontanieu a décidé de mettre sérieusement ses élèves au boulot. Son objectif étant que toute la classe décroche le bac.
Ce n’est pas forcément gagné d’avance au lycée Eugène-Delacroix de Drancy. Pour atteindre son but, l’enseignant ne se contente pas de conseils ou d’admonestations, il utilise des méthode «old school» (il parle comme ça dans la vie): punitions, renvoi de cours au moindre de problème de discipline, contrôles de connaissances hebdomadaires et notation archi dure, voire basse. Si un élève voit ses résultats baisser, il envoie un SMS aux parents.
Il se défend de toute démagogie mais veille à motiver ses élèves en organisant un week-end d’intégration à la rentrée (avec une sortie à la fête de l’Huma), en invitant des personnalités en classe, récemment le rappeur Disiz. Il discute aussi volontiers avec les adolescents sur Facebook.

Vérifier, de façon quasi-paternaliste, les devoirs

La méthode de Fontanieu a tout pour séduire, même si le professeur de Drancy n’est pas le seul à demander à ses élèves de se mettre sérieusement au travail. Bien sûr, tous les enseignants ne sont peut-être pas prêts à faire de même, mais pour une immense majorité d’entre eux, bosser est le cœur de la réussite scolaire.
C’est pour cela que des professeurs des écoles demandent dès le CP vingt minutes de travail quotidien, qu’au collège c’est une heure et demi voire deux heures dans l’idéal. En plus des 25 heures de cours hebdomadaire, un collégien est donc logiquement aux 35h... comme ses parents. Le problème étant que ce travail à la maison est aussi un formidable vecteur d’inégalités entre les élèves qui seront accompagnés pour le faire et les autres.
Et c’est justement parce que les lycéens sont encore très peu autonomes et pour veiller à ce que tous fournissent les efforts nécessaires que Jérémie Fontanieu pense que ce travail doit être vérifié, fliqué, avec une prise en charge digne de l’école primaire, voire carrément paternaliste. Certes, il est plus facile de motiver des lycéens qui sont là pour avoir le bac que des classes collégiens dont certains attendent d’avoir 16 ans pour en partir. Mais beaucoup d’entre eux se croient a priori condamnés à l’échec, et c’est en les faisant travailler qu’on abat ces préjugés.
Mais cela reste une vision extrêmement binaire de la réussite scolaire. N’y a-t-il vraiment que le travail qui pour apprendre et progresser? On se croirait au pensionnat de Chavagnes!

Et le dialogue?

Pourtant, depuis fort longtemps, des pédagogues essaient de convaincre qu’il n’y a pas que le bachotage qui paie. On peut apprendre en dialoguant ou en faisant des expériences. C’est ce que prônent les pédagogies dites actives, c’est la théorie et la pratique que développait Célestin Freinet... dans les années 1920, c’est le sens du dispositif la Main à la pâte, lancé en 1995 par l’Académie des sciences à l’initiative de Georges Charpak, prix Nobel de physique.
Mais, dans un monde angoissé où la compétition scolaire précède l’entrée dans un monde bien plus précaire, celui du travail, l’effort reste une valeur rassurante. Pourtant les découvertes scientifiques sur le fonctionnement du cerveau ou la comparaison des méthodes pédagogiques utilisées par les enseignants à travers le monde devraient aussi nous en dire plus sur comment apprendre plus efficacement! Et pourquoi pas en dépensant moins d’énergie? On peut sûrement inventer ou diffuser des pédagogies efficaces qui permettraient aux élèves de ne pas (pas trop) avoir l’impression de faire des efforts? Est-il subversif de vouloir faire en sorte qu’apprendre soit un plaisir, un jeu, un bonheur? Finalement, cela ne devrait pas contrarier le goût de l’effort que l’on cherche absolument à inculquer à nos enfants mais fonctionner comme une incitation.
Enfin, trêve d’utopies scolaires et pour revenir à Pisa, sachez que les élèves qui croient le plus à la persévérance seraient les Coréens et les derniers les Albanais. La conclusion de la note de l’OCDE donne aussi matière à réflexion: la réussite est une question de conviction et la croyance que leur travail et leur persévérance payent davantage que leur intelligence ou leur talent inné permet en soi aux élèves de réussir davantage.

Louise Tourret